Un beau jour, combattre le viol

NB : Rédigé en Octobre 2011

Le dernier livre de Clémentine Autain, « Un beau jour, combattre le viol » aux éditions Indigènes, est un essai qui comme son nom l’indique propose des moyens de lutter contre le viol dans notre société toujours très patriarcale.

Le viol est un sujet délicat. Ce qui n’empêche pas Clémentine Autain de livrer avec cet essai, un manifeste de lutte idéologique féministe. Clémentine Autain est une figure de la gauche radicale. Proche des communistes, elle a travaillé à la mairie de Paris. A l’origine, c’est l’affaire DSK qui a motivé son livre. Selon elle, les médias se sont montrés trop tolérant envers Dominique Strauss-Kahn. On se souvient notamment de Jean-François Kahn l’ex-directeur de Marianne, qui avait alors parlé de « troussage de domestique » au sujet de la plainte pour viol de Nafissatou diallo, la femme de chambre de DSK. C’est l’exemple d’une vieille mentalité machiste. Les victimes de viol sont peu considérées ou écoutées. Pire ! « Le viol est le seul crime ou la victime se sente coupable » explique Clémentine Autain. Un problème soigneusement évité dans notre société. Comme si cela demeurerait presque normal. L’auteure souligne à ce titre un chiffre alarmant : seulement une femme agressée sur 8 porte plainte.

La question du viol reste selon Clémentine Autain très largement taboue.  Il est donc nécessaire de faire un travail d’éducation populaire. L’auteure propose de faire une loi-cadre, qui affirmerait le lien entre viol et domination masculine. C’est là que commence la lutte idéologique. Et la méthode est tranchée, même si elle se justifie. Mais rassurer vous tout de suite, Clémentine Autain ne propose pas la peine de mort pour les violeurs. Il ne s’agit pas d’un livre de Robert Ménard. Il s’agit de faire la révolution, mais pas n’importe qu’elle révolution.

Autain veut changer le regard porté sur le viol. Le voir comme un acte situé dans un rapport historique de domination masculine, et non plus comme un acte isolé commis par un malade mental. Le viol est le résultat du rapport sexiste et machiste que nous avons intégré depuis l’enfance. L’auteure etaye son propos par plusieurs exemples, dont celui de la Belle au Bois Dormant. Un conte qui véhicule le modèle de l’homme actif et de la femme passive. Et donc qui aurait tendance à légitimer le viol. Il y a certainement du vrai là-dedans, et ce n’est pas le rôle de cet article de donner son avis. On peut tout de même souligner unce chose,  renverser l’ordre de la domination masculine pour éliminer le viol reste un raisonnement simpliste. Cela fait penser au raisonnement radicalement opposer au capitalisme: si l’on abolit le capitalisme, on règle tous les maux de la planète.

C’est pour cette raison qu’il faut rappeler qu’il s’agit d’une militante de gauche radicale. Le livre, s’il s’attaque à un grave problème, reste dans le registre de l’idéologie. Je conseille cependant largement sa lecture, très intéressante.

Clémentine Autain manifestait à Paris il y a 10 jours avec prés de 3000 femmes pour réclamer cette loi-cadre contre les violences faites aux femmes.

« Et si l’amour durait » , d’Alain Finkielkraut. Et si les réacs’ étaient les vrais anti-productivistes ?

« Et si l’amour durait » est le titre du dernier essai, paru chez Stock, de l’écrivain et philosophe Alain Finkielkraut. Un essai qui se veut une redécouverte du sentiment amoureux en même temps qu’une critique de notre conception actuel de l’amour.
Un très beau livre, comme chaque livre d’Alain. Au beau milieu de notre époque où la liberté absolue de l’individu est la seule valeur et la seule finalité,  il nous invite à concevoir à nouveau une transcendance, et des principes  supérieurs, à nous autres, humains arrogants, du haut de notre matérialisme hédoniste  conquérant.

Alain Finkielkraut a lu pour nous Madame de Lafayette, Bergman, Philip Roth ou encore Milan Kundera pour nous livrer un plaidoyer en faveur de la tradition en amour. A une époque où nous sommes à peu près tous  convaincus que « l’amour dure 3 ans » Alain Finkielkraut tente, en bon « réactionnaire », de nous donner un peu d’espoir, ou de désespoir – c’est selon.

« Et si l’amour durait » est un essai qui veut prendre à rebrousse poils l’amer constat du divorce de masse et du renoncement à une forme moins égoïste de l’amour . Sa méthode : quatre résumés de lecture, pour déconstruire et redécouvrir le sentiment amoureux.

La Princesse de Clèves, héroïne du roman éponyme écrit au XVIIe siècle renonce à son grand amour, en se conformant à des principes moraux. Inconcevable pour nos contemporains.

Les héros de Bergman, malgré leur volonté tenace de rester ensemble, échoueront dans leur quête de stabilité. Les différences de classes sociales, leur différences d’objectifs dans la vie l’emporteront finalement, sur le rêve d’amour.

Philip Roth de son côté, mets en scène des personnages déchirés entre leur attirance pour la liberté en matière d’amour, et le possible choix d’un renoncement à cette liberté pour ne choisir qu’une seule personne. Prisonniers de ce que Finkielkraut appelle la « tyrannie de leurs désirs », ils perdront tout, à savoir leur grand amour et la possibilité d’aimer vraiment.

Alain Finkielkraut , grand lecteur de Milan Kundera termine son essai par une leçon au sujet du fameux roman « L’insoutenable légèreté de l’être » le roman phare de Kundera. L’auteur voit, à travers deux personnages qui s’aiment d’un amour désintéressé, Tomas et Tereza, la seule clef possible pour un véritable amour.

Le désintéressement, voilà la clef. L’oubli de l’intérêt personnel est pour l’auteur de « Et si l’amour durait » le seul espoir pour l’amour, un préalable incontournable à la contemplation amoureuse.

Espérons que dans cet abandon demandé d’un peu de notre individualisme, les « adversaires » de Finkielkraut n’y verront pas une stratégie inavouée de « social-traître »…

Car c’est bien tout l’inverse, en réalité. Le seul progrès humain ne peut-être que du côté de la longueur, de l’introspection, de la pensée, et non pas du côté de l’immédiateté, de la flatterie des instincts primaires,  à grand coup de marketing : « sois toi-même », « trouve chaussure à ton pied ».

Slogans qui consistent bien eux, en revanche, en une stratégie capitaliste et productiviste inavouée.

« Et si l’amour durait », un essai de l’amour, de l’humain, de la pérennité. Profondément anticapitaliste, pour le coup.